MEMORANDUM OR VOYAGE, 2014

ecrans de Led , 4 x 16/10 video HD, couleur, son 6.2


Fondé en 1984 à Kyoto, Dumb Type est un collectif d’artistes dont la pratique entrelace les domaines du théâtre, de la danse, de la musique, de la vidéo, de la programmation informatique, de l’architecture et des arts visuels. La performance multimédias constitue le socle de leur travail, où s’élabore une subtile critique de l’infiltration de la technologie dans tous les domaines de la vie. La scène est traitée comme une image multidimensionnelle, un espace feuilleté superposant les mouvements des danseurs au rythme vertigineux des projections et des sons. Leurs installations audiovisuelles, telles que Memorandum Or Voyage, transposent et réélaborent dans l’espace d’exposition des expériences scéniques intenses où le corps se présente comme une membrane, une interface médiatique.


Avec Memorandum Or Voyage, Dumb Type produit une condensation magistrale d’extraits de trois œuvres scéniques, complété par de nouvelles images et de nouveaux sons : OR (1997), memorandum (1999) et Voyage (2002). L’œuvre part d’un thème cher à Dumb Type déjà explicite dans leur première série d’œuvres Plan for Sleep (1984) : celui d’un sommeil ambivalent, sorte de demi-mort ou voyage vers un état altéré de conscience. Déployé sur 16 mètres de long avec un ratio d’affichage 1:1, Memorandum Or Voyage forme un polyptique traversé de phasages et de déphasages, jusqu’à fusionner en un seul bandeau, enveloppant d’un même rythme visuel l’ensemble du champ optique. Dans OR, l’univers clinique et le balayage pulsé des corps inertes évoque en filigrane le SIDA qui, dans les années quatre-vingt-dix, ravage la communauté artistique au Japon et touche de près les membres du groupe. Le flux des images progresse ensuite vers le montage labyrinthique et syncopé de memorandum, mêlant vues urbaines, corps flous et données informatiques. Ce passage évoque une désorientation tant spatiale que temporelle produite par la collecte massive de la mémoire que permettent les outils numériques. Pour finir, les images numériques d’un planisphère se fondent en une pluie de données, accompagnées de sons pulsés. L’espace de Voyage se fait graphique, s’abîme dans une échelle hors temps et hors corps. Le balayage périodique de l’image reprend le rythme du mouvement oculaire lors de la phase de sommeil paradoxal. De même, les cascades de bruits blancs touchent un processus d’activation perceptive inconsciente, activant une expérience profondément onirique.


L’œuvre a été présentée pour la première fois à l’exposition « Seaking New Genealogies – Bodies/Leaps/Traces » au Museum of Contemporay Art Tokyo, en 2014.




Marcella Lista, 2025