Performance and Stage-Set Utilizing Two-Way Mirror and Video Time Delay, 1983

Bande vidéo analogique U-matic NTSC numérisée
4/3, noir et blanc, son
45 min 50 s


À l’occasion de son exposition intitulée « Pavilions » à la Kunsthalle de Berne en 1983, Dan Graham crée un dispositif qui confronte le spectateur à sa propre image, afin de subvertir les rôles habituellement assignés au public et à l’interprète. L’artiste et théoricien avait déjà commencé à produire ses « pavillons » dès la fin des années 1970 : une série de sculptures géométriques composées de verre transparent, placées dans des espaces publics pour interroger la place de l’art dans ce contexte en brouillant intentionnellement la frontière entre sculpture et architecture par un dialogue entre spectateur et paysage. Pour son exposition de 1983, Graham conçoit une installation dans laquelle il convie trois musicien·nes à activer l’œuvre par une performance musicale. Placé·es sur le côté gauche du public, Glenn Branca, Margaret Dewys et Axel Gross jouent de divers instruments face à un miroir sans tain. Celui-ci reflète à la fois les visages des différents spectateurs se situant devant le miroir, ainsi que les actions des artistes dans l’espace d’exposition. Un téléviseur placé derrière le miroir, suffisamment luminescent pour être perçu, diffuse avec un différé de six secondes une vue de la salle filmée avec un objectif grand angle placé au-dessus de l’écran. Dans cette configuration, les spectateurs ne peuvent plus s’identifier directement au musicien, puisqu’ils sont confrontés à leur présence dans un espace public. Lorsque les interprètes observent les actions des autres musicien·nes reflétées dans le miroir ou transmises avec un délai de six secondes par le moniteur, le regard du public se situe entre les regards partagés des trois artistes. Performance and Stage-Set Utilizing Two-Way Mirror and Video Time Delay fait l’objet d’une composition sonore, Acoustic Phenomena, dont une version condensée est publiée sous la forme d’un flexi disque 45 tours pour le catalogue de « Pavilions ». Avec cette pièce, Graham poursuit ses réflexions autour de la réception d’une œuvre auprès du public et des institutions culturelles. Il précise à ce propos : « Cela commence avec l’art minimal, mais il s’agit de spectateurs qui s’observent eux-mêmes alors qu’ils sont observés par d’autres personnes. [1] »

Nicolas Ballet
Décembre 2024

[1] Dan Graham, Theatre, Gand, Anton Herbert, 1978, n. p.