Full Circle, 1978
1 Pouce NTSC, couleur, son
Artiste de la deuxième génération des pionniers de la vidéo aux États-Unis, Gary Hill développe au cours des années 1970 une série d’expérimentations dans lesquelles il utilise des signaux sonores pour générer des images sur l’écran à tube cathodique. Cette possibilité de « traduction » en temps réel qu’offre la technologie électronique inspire alors de nombreux artistes.
Full Circle est une vidéo monocanale réunissant trois images sur un seul écran d’affichage. L’œuvre présente une performance à la fois vocale, sculpturale et vidéographique. Un plan rapproché montre les mains de l’artiste pliant une barre métallique gainée de cuivre jusqu’à lui donner la forme approximative d’un cercle, tandis que sa voix tente de stabiliser le son [o]. Un oscillateur à ondes sinusoïdales traduit visuellement ses fréquences vocales, proposant ainsi une image-test de la constance du son, qui reste régulier malgré l’effort physique que réclame l’action. À l’origine, cet instrument servait à contrôler la distorsion des signaux audio produits par des appareils à haute-fidélité. Ici, il entre dans une boucle de feedbacks qui relie intimement le corps et la technologie. Elle passe par la création physique d’une forme, l’émission vocale, les matériaux conducteurs (tel que le cuivre) et la visualisation abstraite du son. “This work tries to make manifest the perhaps irreconcilable space between the body as physicality and conceptual models built upon the ephemeral, yet also physical, media” [1], explique l’artiste.
Formé à la sculpture, Gay Hill a vu tout d’abord dans la vidéo la possibilité d’exploiter les sonorités du matériau. Son travail s’enrichit rapidement d’une recherche fondamentale liée à la vocalisation et au langage. Au temps linéaire du cinéma, il oppose le feedback de la vidéo comme un processus analogue à celui de la pensée, où “vocalisation was a way to physically mark the time of the body through utterance – the speaking voice acting as a kind of motor generating images.” [2]
Dans Full Circle, l’artiste établit une équivalence entre l’acte performatif et le circuit fermé de la vidéo. Il montre la fragile synchronisation entre voix et geste au sein du réseau électronique d’informations. Pour finir, la troisième image capture l’action en plan large : elle a été stylisée sous la forme d’un négatif noir et blanc, afin d’obtenir une abstraction graphique. Ainsi l’image électronique, aux antipodes de ses usages documentaires, s’expose pour ce qu’elle est : un champ de fréquences traversé de tensions.
Marcella Lista, 2024
[1] Gary Hill, « Index of Works Discussed », in George Quasha, Charles Stein, An Art of Limina. Gary Hill’s Works and Writings, Barcelone, Ediciones Poligrafa, 2009, p. 579.
[2] Gary Hill, « Inter-View », extraits d’entretiens menés au Centre Pompidou, Paris, 1992, édités par Gary Hill, in Robert C. Morgan (ed.), Gary Hill, Baltimore, Londres, The Johns Hopkins University Press, 2000, p. 290.