Trois metteurs en scène, une même chanson - Jean-Luc Godard illustre Faut pas rêver, 1977

Betacam numérique PAL, couleur, son


Faut pas rêver de Jean-Luc Godard France, 1977, 3’30’’, vidéo, sonore, couleur avec un enfant et Anne-Marie Miéville (off) En 1977, dans le cadre de l’émission musicale « On ne manque pas d’airs », la télévision publique commande à trois cinéastes la mise en images d’une chanson de Patrick Juvet composée par Jean-Michel Jarre, « Faut pas rêver ». Jean-Luc Godard est l’un d’eux. En deux plans, le cinéaste créé un objet politique, sous la forme d’un petit essai sur la télévision dans la France giscardienne. Premier plan : un enfant attablé dans une cuisine mange une pomme en regardant distraitement une télé, hors champ, qui diffuse la chanson de Patrick Juvet. En même temps, l’enfant répond aux questions de sa mère, hors champ elle aussi (on reconnaît la voix d’Anne-Marie Miéville), qui le questionne sur sa journée (les exercices à faire pour un cours, la compétition à la piscine) et lui reproche de ne pas ranger la vaisselle. Second plan : une question défile à l’écran. « Quand la gauche aura le pouvoir, est-ce que la télévision aura toujours aussi peu de rapport avec les gens ? » Radicalement antispectaculaire, maintenant hors du champ le véhicule de l’imagerie dominante (le téléviseur) et le moteur du dialogue (la mère), Faut pas rêver enregistre le quotidien dans toute sa simplicité et sa passivité. Créant ainsi un trou d’air dans le flux télévisé habituellement tissé de spectacles et mises en scène, cet essai polémique, expérimental et dialectique pose une question politique, celle de l’usage idéologique de la télévision. En cela, il formule l’objet du travail de Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville à l’époque qui visaient, dans leurs séries Six fois deux, sur et sous la communication (1976) et France tour détour, deux enfants (1979), à proposer une autre télévision, proche des réalités sociales et capable de critique.


Judith Revault d’Allonnes