Personal Cuts, 1982

Bande vidéo U-matic PAL diffusée sous forme de fichier numérique
4/3, couleur, son


Face à la caméra, se tient la tête de l'artiste, le visage recouvert d'un bas noir, comme un cambrioleur ou un braqueur. Avec une paire de ciseaux, elle découpe des ronds dans le tissu. Au moment précis où le ciseau entaille le bas, une séquence tirée de l'histoire de la Yougoslavie, produite et diffusée par la chaîne nationale, s'intercale avec le portrait. Au fur et à mesure, le visage se dévoile, jusqu'au point d'être entièrement découvert, alors que sont apparues des images très variées de l'histoire yougoslave, du film protocolaire, où un général reçoit des officiels, en passant par des archives d'ouvriers au travail ou des publicités de mode. Au dernier coup de ciseau, un couple d'athlètes court dans la montagne, image colorée d'un corps idyllique dans un environnement sain, paroxysme de l'aspect très conventionnel de cette présentation télévisée de la Yougoslavie. Chaque entaille laisse apparaître un peu plus du visage, mais c'est comme une blessure liée à chaque instant de cette revue médiatique. Là encore, Sanja Ivekovic traduit le processus de l'influence du pouvoir médiatique sur notre personnalité. Si chaque entaille symbolise une blessure sur l'individu, c'est aussi un pas de plus vers la normalité. Alors que la doctrine officielle imprègne l'esprit, apparaît la tête, dépourvue du masque de la rébellion et de l'anonymat. Du visage caché comme un rebelle jusqu'au portrait conventionnel, on voit défiler l'histoire officielle, qui normalise l'esprit et dans le même temps le constitue.


Patricia Maincent