ME, 1997-2000, 1997 - 2000

3 moniteurs, 6 haut-parleurs, 3 bandes vidéo, PAL, couleur, noir et blanc, son,


Me est une installation de trois vidéos sur moniteurs, chaque vidéo comprenant une dizaine de courtes actions, entrecoupées de textes autobiographiques en français ou en anglais, qui en éclairent le contexte. Ghazel, vêtue d'un tchador, y performe des scènes de la vie quotidienne, dans son quartier du nord de Téhéran ou dans des lieux de la vie moderne (bureaux, salles de sport, supermarchés, etc.). En se filmant à l'aide d'une caméra HI8 sur un trépied, l'artiste fait le choix d'une économie de moyens. Les vidéos sont en noir et blanc, sauf quand la couleur est indispensable. Chaque séquence est délimitée précisément dans l'espace et le temps, en plan fixe, à la manière des premiers films burlesques muets. La courte durée des plans, parfois de quelques secondes, est tributaire de l'interdiction de filmer dans la rue en Iran, et correspond au minimum requis par le spectateur pour comprendre le propos. La plupart des actions soulignent les paradoxes vécus par l'artiste entre tradition orientale et vie moderne occidentale. Ghazel y pratique ainsi des activités que le port du tchador rend contraignantes, voire absurdes, telles que la gymnastique, le bronzage ou la baignade tout habillée, ou des situations décalées telles que danser comme Michael Jackson ou marcher comme un militaire. D'autres saynètes, qui la montrent en train de s'enrouler dans un tapis persan (People had to find amazing ways to sneak out of their country), d'enlever les menottes de ses poignets (I guess I prefer bracelets) ou de tourner autour d'une petite mappemonde (Wanna go around the world), portent davantage sur la condition des Iraniens, particulièrement des femmes. D'autres encore affirment un détournement poétique du tchador et demeurent plus énigmatiques. Présentées en installation, les actions ne sont pas synchronisées, ce qui facilite les associations d'images aléatoires. En choisissant de multiplier et d'alterner des actions très différentes, Ghazel échappe à la dénonciation et au point de vue unique. C'est la dérision, son outil de prédilection, qui lui permet d'aborder, par des actions en apparence légères, des questions éminemment politiques. Cette première série des Me représente pour Ghazel une forme de journal intime sur le mode du home movie, qu'elle complète chaque fois qu'elle retourne en Iran. Le projet constitue sa " vie parallèle ", et évolue dans le même temps que sa vie d'artiste en Occident. Tandis que les premiers Me étaient des reconstitutions directes de ses souvenirs, les vidéos se sont, depuis, enrichies de ses divers lieux de résidence et de la projection de son identité d'artiste dans le futur, comme en témoigne la série suivante des Me, commencée en 2000. L'ensemble du projet autobiographique Me rend compte des identités multiples de Ghazel, installée en France depuis 1986, et de sa difficulté à se positionner entre deux cultures : " Mon travail parle de l'étrangère que je suis en Occident et de l'étrangère que je suis en Iran ".


 


Marianne Lanavère