Marcia Baila, 1987

U-matic, PAL, couleur, son


La chanson et le vidéoclip Marcia Baila rendent hommage à une amie de la chanteuse Catherine Ringer,  Marcia Moretto, qui dansait pour la Compagnie du Théâtre en Poudre, avant sa disparition brutale.


Ce vidéoclip est particulièrement représentatif de l'esthétique du groupe des Rita Mitsouko et de celle du milieu des années 1980. Celle-ci mêle à la musique rock un univers à la fois urbain, pictural, chorégraphique et des références aux cultures de chaque continent. Sept peintres de la Figuration Libre et du Graffiti-art 1 ont été choisis dans l'entourage du groupe rock pour la réalisation de tableaux thématiques, notamment sur l'Afrique, l'Espagne et l'Egypte. Les danses de styles différents ont été réalisées par sept danseurs, issus du Modern Jazz et du flamenco ou des écoles Lolita Dance, Régine Chopinot et Performer 2.


Ce film court, reconnu par la presse comme le meilleur clip français jamais réalisé et choisi pour l'exposition rétrospective Video music de 1963 à 1985 au Museum of Modern Art de New York, a joué un rôle important dans l'évolution de la carrière du réalisateur. La chanson et le vidéoclip Marcia Baila sont entraînants. Le spectacle monté pour ce tournage reprend la dynamique "live" d'un concert, avec des changements de décors et de costumes déterminés par les thèmes déclinés dans le texte (une ville, la vie nocturne, des références à la danse de cultures différentes). Conçu sur un mode narratif, le montage est articulé sur la succession du refrain et des couplets. Le spectacle est ainsi entrecoupé de chorégraphies et de l'illustration de certaines paroles de la chanson qui surgit dans des plans brefs. Sur les mots "la sirène en mal d'amour" apparaît ce personnage de conte de fées dans un décor étagé. A l'évocation d'un "hiéroglyphe" correspond un symbole noir et rouge, qu'un cadrage en gros plan a extrait d'un tableau. Les passages incessants de plans serrés à des plans larges, de séquences longues à de très courtes produisent un changement d'espace permanent, où les couleurs vives des costumes, des décors et de l'illustration sont également en renouvellement. Le rythme, la musique et la chanson créent un support continu à cet ensemble visuel fragmenté. Ainsi la fête, les souvenirs heureux évoqués et l'énergie rock représentée transcendent le sujet de la mort.


Dans ce film court réalisé en 35 mm, différents langages iconographiques sont utilisés. Ils appartiennent aussi bien à la culture de l'image fixe qu'à celle de l'image en mouvement, à l'art et à la publicité. La photographie de publicité ou de mode transparaît en particulier dans le plan fixe sur des sombreros très colorés qui introduit le clip. Une affiche inédite de la campagne de publicité de la RATP, réalisée par Futura 2000, est présente dans le clip en réponse à la sponsorisation partielle du vidéoclip. Les tableaux ont une fonction de décors que la caméra présente sous des axes changeants et par fragments. Philippe Gautier organise la lisibilité des images, afin que soit renouvelée la lecture du clip lors des diffusions successives. Les axes de la caméra ou la position des objets dans l'espace de l'écran (l'affiche de la RATP est saisie en biais), les cadrages différents, les jeux de lumière (un contrejour, la nuit, le fond blanc de l'écran), la quantité d'informations, le mouvement dans l'image et la durée des séquences concourent à cette hiérarchisation de la lecture.


Philippe Gautier a réalisé un second vidéoclip avec les Rita Mitsouko, intitulé Andy, dis-moi oui, dans lequel le regard du spectateur est conduit par les changements de cadrage et d'axe de la caméra sur un rythme saccadé. Ce point de vue extérieur à la mise en scène est à l'inverse de l'énergie saisie au coeur du spectacle dans Marcia M>.


Thérèse Beyler


1 Ricardo Mossner, Xavier Veilhan, Anne-Iris Guvonnet, Nina Childress, William Wilson, Richard Beaudemont et Jeff Gravis.
2 Darai Elies, Michel Prelonges, Arthur Wilkins, Hélène Odier, Mowgli Spex, Flore Buri, Santiago Sempere.