![]() | Nationalité américaine Né en 1942 à Urbana (États-Unis). Décédé en 2022 | Biographie Bibliographie Liste expositions | Vidéo et après - 05 février 2007 |
Au cours des années 60, période qui marque le début de sa production artistique (notamment entre 1965 et 1969), Dan Graham utilise la photographie, la performance et l'installation. Il se sert également de la presse (Arts Magazine) pour diffuser son travail Homes for America, en 1966. Parallèlement, il exerce une activité de galeriste et expose des artistes minimalistes (Sol LeWitt, Carl Andre, Robert Morris, entre autres). C'est à New York, en 1969, que sa première exposition personnelle est organisée. En Europe, il expose pour la première fois en 1970, à la Lisson Gallery de Londres.
Dan Graham a beaucoup écrit sur ses propres oeuvres (Schema, Performance / Audience Sequence, Rock my Religion, Pavilion / Sculpture Works) [1]. Il a également publié de nombreux articles sur d'autres artistes, et s'est attaché à réfléchir sur les questions philosophiques et esthétiques concernant notamment l'architecture. Artiste conceptuel, Dan Graham est autodidacte.
Ses oeuvres figurent dans les collections les plus importantes d'Europe et des Etats-Unis (au Centre Georges Pompidou à Paris, au Moderna Museet de Stockholm, à la Tate Gallery de Londres, au Museum of Modern Art de San Francisco, etc.). Des expositions rétrospectives de son travail ont été réalisées par diverses institutions en France, en Hollande, en Espagne, en Allemagne, en Suisse, aux Etats-Unis et en Australie. Il a également participé à des manifestations internationales telles que les documenta de Cassel (Allemagne), la Sidney Biennal (Australie), la Biennial Exhibition au Whitney Museum of American Art (Etats-Unis).
A partir des années 70, tout en poursuivant des questionnements d'ordre phénoménologique relatifs au système culturel contemporain, Dan Graham commence à exploiter le film 16 mm (Sunset to Sunrise, Roll, Body Press, etc.) et le dispositif vidéo (Past Future Split Attention). Il emploie la vidéo comme médium, soit pour réaliser des installations, soit comme partie intégrante de ses performances.
Dans ses installations, le spectateur, absorbé par le dispositif vidéo qui transforme la perception qu'il peut avoir de lui-même, devient spectacle. Les artifices que l'artiste utilise (le décalage entre l'image du présent et l'image du passé, la reproduction à l'infini de celle-ci et sa mise en abyme, le système de surveillance) mettent en évidence les possibilités de manipulation de l'image par le biais de ce médium, comme dans Present Continuous Past(s), Two Rooms / Reverse Video Delay. Dan Graham fait preuve d'un usage critique du dispositif de la représentation et de son idéologie. Ses installations vidéo jouent sur la dissociation entre la présence physique et l'image temporelle que le spectateur peut avoir de lui et, de fait, l'artiste le livre à lui-même. Le spectateur, pris dans une position d'objet, est conduit à prendre conscience de son statut de sujet perceptif.
Dans ses performances, Dan Graham n'utilise pas la caméra dans le seul but d'enregistrer l'événement, mais plutôt pour présenter la "performativité" de l'enregistrement lui-même [2]. Autrement dit, le rôle joué par le performeur ainsi que par le public renvoie à un jeu de perception : ils sont tout autant sujet et objet, spectateur et spectacle. C'est l'effet miroir, que l'artiste évoque ainsi : "Lorsque je regarde le public et me décris moi-même, je le regarde afin qu'il m'aide à me voir tel que j'apparaîtrais réfléchi par sa réaction." [3] (Voir les vidéos Performer / Audience Mirror et Performer / Audience Sequence.)
La production artistique de Dan Graham est marquée par une importante réflexion sur des phénomènes contemporains comme la musique punk, le rapport entre le rock et la religion, le lien étroit entre le pouvoir politique et l'architecture, la télévision. Il propose une étude critique sur les formes de médiatisation de l'art dans la société contemporaine, en s'interrogeant sur le système de présentation / consommation de l'oeuvre et sur la dissociation qui s'opère entre l'artiste et le spectateur.
A la fin des années 70, Dan Graham présente des projets d'architecture-sculpture, et devient ainsi "artiste-architecte". Il aborde alors une réflexion plastique sur l'espace muséal et l'espace urbain. Les matériaux de ses oeuvres (le verre et le miroir) sont transparents et semi-transparents. Dans un de ses articles, il note : "De façon générale, le but de l'architecture théâtrale du productivisme et du Bauhaus fut de déconstruire la production d'images illusionnistes en révélant la formule : le mécanisme littéral à travers lequel l'image-illusion était produite." [4] Cette observation constitue l'une des idées majeures de Cinema 81 (1981), présenté sous forme de maquette. Par la transparence, l'opacité et le reflet des matériaux utilisés, tout est rendu visible par l'incidence de la lumière. Le spectateur regarde, mais il est aussi regardé. Dans ses projets architecturaux, l'artiste joue avec les espaces par la présentation d'une série d'oppositions : intérieur / extérieur, opacité / transparence, espace public / espace privé (Two Cylinder Inside Cube, Children's Pavilion). Dan Graham fait partie d'une génération d'artistes américains pour qui la réflexion théorique nourrit la production artistique.
Nayara Gil Condé
[1] Voir Dan Graham, Ma position. Ecrits sur mes oeuvres, Villeurbanne, Le Nouveau Musée - Institut / Les Presses du réel, 1992.
[2] René Payant, "Dan Graham, l'effet méduse", Art Press, Paris, numéro 47, 1981, p. 10.
[3] Dan Graham, propos tiré de Theatre, Gand, éd. Anton Herbert, 1981 (cité par Thierry de Duve dans Essais datés I, 1974-1986, Paris, éd. de La Différence, 1987, p. 284).
[4] Dan Graham, "Théâtre, cinéma, pouvoir", Parachute, Montréal, numéro 31, 1983, p. 28.